Le tiers état du bourg de Gavray, pénétré de la plus vive reconnaissance des bontés paternelles du Roy, qui dans sa sagesse s'est déterminé à appeler aux pieds du trône les citoyens de tous les ordres de l'Etat, pour entendre leurs doléances et écouter leurs avis pour la réformation des abus qui règnent depuis longtemps dans les différentes parties de l'administration, et se procurer les moyens propres à alléger le fardeau des impositions, en un mot pour rendre toujours heureux ses fidèles sujets, A arrêté qu'il sera très respectueusement représenté à Sa Majesté, par ses députés, et tels sont les voeux qu'ils forment : 1 ) : Dans l'assemblée prochaine des Etats généraux il sera arrêté qu'à l'avenir aucunes impositions ne pourront être levées sur les peuples que du consentement de la nation, les Etats généraux assemblés ; 2 ) : Pour répondre au voeu de Sa Majesté, que tout citoyen, de quelque ordre qu'il soit, exempt ou non exempt, privilégié et non privilégié, contribue aux charges de l'Etat en proportion de ses revenus, sans aucune exemption pécuniaire, il sera établi une subvention territoriale ; 3 ) : Pour parvenir à l'égalité, tout citoyen sera tenu, ou par gens porteurs de ses pouvoirs ad hoc, passer sa déclaration sous serment de la valeur annuelle et réelle de ses biens et revenus ; 4 ) : Seront pareillement tenus les gros décimateurs, et aussi sous la foi du serment, passer leur déclaration de la valeur annuelle et réelle de leurs dîmes en toutes espèces, et les propriétaires des fiefs de la valeur de leurs gages exigés pour une année commune sur les cinq dernières années, des treizièmes et droits de lods et vente par eux perçus ou dûs percevoir ; 5 ) : Les déclarations des biens seront re-çues par les officiers municipaux des villes, bourgs et villages, et ceux qui seront convaincus de fausses déclarations seront condamnés par les juges des lieux, sur la dénonciation des officiers municipaux ou tous autres habitants des villes, bourgs et villages, en une amende du quadruple, laquelle servira au profit de la communauté desdits villes, bourg et villages, en outre le payement de ce qu'ils auraient dû payer ; 6 ) : Les droits sur les boissons et sur le sel seront supprimés ; et pour tenir lieu de ces droits, dans le cas où l'impôt qui sera établi sur les terres et ceux qui se per-çoivent par les administrateurs du domaine, qui seront cependant réduits, sans aucun sols pour livres, sur les postes et messageries, ne seraient pas suffisantes pour acquitter les charges de l'Etat, pour tenir lieu des droits qui se per-çoivent sur les boissons et le sel, chaque ville, bourg et villages seront abonnés, et les communautés s'imposeront elles-mêmes suivant et de la manière qu'elles aviseront le plus convenable ; 7 ) : Tous les droits généralement quelconques, qui seront levés dans les villes, bourgs et villages seront perçus par un seul et même collecteur, lequel, pour prévenir tous abus, sera tenu de leur expédier quittances des sommes qui seront payées en ses mains par les contribuables, conformes aux endos qu'il sera tenu porter sur ses rôles. Pour cet effet, la collecte sera passée par adjudication au rabais, pour une ou plusieurs années, en donnant par l'adjudicataire bonne et suffisante caution ; et seront les prix de l'adjudication imposés par les officiers municipaux au marc la livre de l'imposition territoriale ; 8 ) : Il sera établi dans chaque arrondissement un receveur à gages suffisants, auxquels les collecteurs des villes, bourgs et villages recueilleront leurs recettes de mois en mois sur quittances triples. Ce receveur particulier fera ensuite tenir au Trésor royal par la voie des messageries et sans frais les deniers par lui reçus, avec un double des quittances par lui expédiées aux collecteurs et d'eux contresignées ; 9 ) : Les curés et gros décimateurs seront à l'avenir sujets à l'entretien des réparations des presbytères, tant grosses que menues ; 10 ) : Les tribunaux d'exception seront supprimés, et il n'y aura à l'avenir que deux degrés de juridiction ; 11 ) : Pour rapprocher les justiciables de leurs juges, de manière qu'ils puissent aller et revenir chez eux le même jour, il sera fait des arrondissements, de manière que le justiciable le plus éloigné du lieu de sa juridiction ne le soit pas au delà de trois lieues ou trois lieues et demie ; 12 ) : Le bourg de Gavray, par sa position au milieu des villes de Coutances, Saint-Lô, Vire, Avranches et Granville, est un lieu propre à établir un bailliage, son éloignement de Coutances étant de près de cinq lieues, et étant éloigné des autres villes de six et même sept lieues ; 13 ) : Les bailliages d'arrondissement connaîtront en dernier ressort, et au nombre de sept juges, jusqu'à la concurrence de mille à douze cent livres, et ils ressortiront par appel aux présidiaux de leurs ressorts, qui en connaîtront jusqu'à la concurrence de la somme de huit ou dix mille livres, au nombre de neuf juges, et pour les affaires au-dessus de la compétence des présidiaux, les bailliages ressortiront aux Parlements ; 14 ) : Les offices de judicature ne seront accordés qu'à ceux qui auront donné des preuves d'honnêteté et de capacité, et qui auront suivi le barreau, en qualité d'avocats, au moins cinq ans ; 15 ) : Pour rembourser les pourvus d'offices supprimés, sur les prix de leurs contrats ou sur le prix de leur évaluation à leur volonté, et pour acquitter les dettes de l'Etat, les biens des maisons religieuses qui ne sont pas suffisants pour recevoir le nombre des religieux prévus par les statuts de leurs ordres, et les biens domaniaux comme landes et communs et autres biens de la nature de ceux qui (ne) sont dans le commerce, seront vendus ; 16 ) : Il sera établi dans les villes et bourgs où il n'y en a point d'établis, et dans les paroisses les plus considérables, des hospices pour recevoir les pauvres. Ces hospices seront administrés par des soeurs grises, un chapelain, un médecin. Pour l'entretien de ces hospices, en outre du produit du travail des pauvres, il sera perçu dans chaque paroisse, sur chaque habitant, le sol pour livre de l'impôt territorial, et les curés et gros décimateurs auxquels les dîmes ont été concédées pour leur nourriture et celle des pauvres, qui se trouveront par ce moyen déchargé du soin de faire l'aumône, payeront (à) l'hospice de leur arrondissement le cinquième de leurs revenus, distraction faite de la portion congrue ; 17 ) : Il sera tenu tous les trois mois une assemblée au bureau général de l'hospice, où tous les curés et les syndics ou autres députés (des) paroisses (de l') arrondissement seront tenus d'assister, pour vérifier les comptes qui seront rendus par les administrateurs, et pour vérifier si les pauvres de leurs paroisses reçoivent dans l'hospice tous les secours nécessaires ; 18 ) : Si dans les paroisses il y avait quelques pauvres pères ou mères de famille qui tombassent malades et qui ne pussent être portés à l'hospice, il leur serait fourni, sur les certificats des curés de leurs paroisses et des syndics, viandes, linges, drogues et médicaments convenables ; 19 ) : Aucun pauvre ne pourra mendier, et celui qui sera trouvé mendiant sera arrêté et constitué prisonnier comme vagabond et sans aveu ; 20 ) : Le bourg de Gavray, du domaine du Roy, est un lieu de passage pour les troupes qui de la Bretagne vont dans le Cotentin, il est le siège d'une vicomté fort étendue et d'un marché fort considérable. Depuis l'imposition des corvées pour la confection des grandes routes, le bourg de Gavray et les paroisses du canton ont toujours payé des sommes très considérables, sans qu'ils aient eu l'avantage des grandes routes, quelques réclamations qu'ils aient faites. Le bourg de Gavray demande, ce qui ne peut lui être refusé, et ce que l'assemblée du département de Coutances lui a déjà accordé , la confection de la grand route de Coutances à Gavray, ensuite de Gavray aux villes d'Avranches, Vire, Saint-Lô et Granville. Il demande également qu'il soit fait une route de Gavray à Bricqueville-les-Salines. La confection de ces routes sera une source de richesses pour tout le canton, avantage dont jusqu'à ce jour le pays a été privé ; elles seront un accroissement au commerce dont Gavray, par sa position près d'une forêt royale et sur les bords d'une grande rivière, est susceptible. La confection de ces routes facilitera le transport des engrais de mer, propres à ; fertiliser les terres de toutes les paroisses voisines, dont le sol est de mauvaise nature, et qu'on ne peut rendre fécond par la difficulté de se procurer des engrais ; 21 ) : Les chemins vicinaux seront entretenus par les communautés des villes, bourgs et villages, et tous chemins qui ne seront point d'utilité publique seront supprimés ; 22 ) : Le tiers état du bourg de Gavray finira par une dernière observation. Les terres qui sont voisines de la forêt du lieu sont annuellement pillées et dévastées par les bêtes fauves et sangliers et autres animaux destructeurs. Souvent le laboureur ne perçoit que peu et même aucune récolte ; le Roy sera très humblement supplié de permettre de courir sus et les tuer, sans encourir aucune peine. Le tiers état a au surplus autorisé ses députés à faire telles autres observations qu'ils croiront les plus convenables pour l'honneur et l'avantage de son ordre, celui de tous les autres ordres, et pour la prospérité et le bonheur de la nation en général. Ce qu'ils ont fait et arrêté, ce 1er mars 1789, dans l'assemblée tenue dans l'auditoire de la vicomté de Gavray, devant M. le vicomte, en conformité des lettres du Roy du 24 janvier, des règlements y annexés, et en exécution de l'ordonnance de M. Desmarets de Montchaton, lieutenant général au bailliage de Coutances, le 13 février aussi dernier.
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