Association de Sauvegarde du

CHATEAU DE GAVRAY

INTRODUCTION

Nota : Ce menu dédié aux vestiges du château comprend de très larges extraits du mémoire « Le château de Gavray - Histoire et Archéologie » de Mesdames Jocelyne et Jacqueline Leparmentier - B.N.F. et du rapport de fouille de 1989 rédigé sous la responsabilité de Madame Jocelyne Leparmentier.

Sommaire

1 – Note sur la géologie et la géomorphologie du site (Extrait du rapport de Messieurs Ozouf et Coutard, géologues CNRS)
2 – Présentation du site
3 – L’état des lieux
4 – La recherche archéologique et les fouilles
Appendices :
a – l’essai de reconstitution
b - la description contestée de Charles-François Onfroy de Tracy


1 - Note sur la géologie et la géomorphologie du site

(Extrait du rapport de Messieurs Ozouf et Coutard, géologues au centre de géomorphologie du CNRS).

 « Le site du château est formé par un éperon étroit compris entre la Vallée de la Sienne et celle de son affluent, la Bérence. L’érosion différentielle ayant mis en évidence le rebord nord du synclinal hercynien dit de la « Zone Bocaine » par rapport aux roches plus tendres du Précambrien (Briovérien b2b et b3), le site du château domine la Sienne par un grand versant pentu haut d’environ 55m.
Le réseau hydrographique s’est encaissé au cours du Quaternaire à partir d’une vaste surface tertiaire dont de nombreux éléments subsistent à une altitude variant localement entre 90 et 110 m : Gavray (La Lande Saint-Luc et la Jannière), Lengronne, Saint-Denis-le-Gast. Un compartiment plus élevé, encadré de failles, se situe plus à l’est, entre La Baleine et le Mesnil-Bonant ; altitudes autour de 140 à 170 m. La surimposition des cours d’eau fait que ces derniers traversent indifféremment les strates précambriennes et primaires rencontrées au cours de leur enfoncement. La section aval de la Bérence est perpendiculaire aux structures géologiques. De plus, on doit préciser que le point de confluence entre la Sienne et la Bérence est grandement perturbé par un système de failles qui accidente le rebord de la Zone Bocaine. Ceci explique l’intense fracturation des roches sous et autour du château, l’aspect abrupt des versants de l’éperon dominant la Bérence, le déplacement de panneaux de roche. On peut se demander également si la tranchée qui sépare le château de la barbacane présumée ne correspond pas initialement à une zone de décompression de la roche tectonisée facilement affouillée par l’érosion».

 
Plan de Monsieur BRODBECK, Ingénieur du service vicinal de Gavray paru dans "Le château de Gavray et la châtellenie de gavray" de Fernand VATIN - 1937 - Imprimerie Barbaroux.

2 – Présentation du site

Peu de vestiges subsistent à la surface du sol, le château ayant servi de carrière vraisemblablement dès le XVIIème siècle. Toutes les pierres taillées ont disparu et les pans de murs subsistants sont presque tous dépourvus de parement.
Des travaux effectués, il y a une cinquantaine d’années, pour rendre le site plus accessible et ouvrir un chemin au pied des remparts, n’ont fait que dégrader encore les lieux : le fossé qui séparait l’entrée et la barbacane présumée a été en partie comblé, et le bouteur semble être venu à bout de certaines portions du rempart, particulièrement fragiles. 

La forme générale de l’enceinte est très allongée :

- 150 m d’est en ouest,

 - 50 m seulement du nord au sud à l’endroit le plus large suivant en cela la forme de l’éperon rocheux sur lequel elle s’appuie.

Deux portions de rempart d’une trentaine de mètres, qui avaient en partie gardé leur parement ont été dégagées :

- l’une, au nord, surplombant le pont de la Sienne, est composée de gros blocs, mal alignés,

- l’autre, au sud, à l’arrière du donjon, à un appareil plus soigné.

Il n’a pas été possible d’observer ailleurs le mode construction des remparts, mais il est bien évident que l’on a affaire à plusieurs campagnes de construction.

A l’intérieur de l’enceinte se délimitent deux zones très différentes :

- l’une, présentant une forte déclivité (20% environ), s’étend de la brèche marquant actuellement l’entrée au sommet de la colline. Les dénivellations observées dans cette zone laissent à penser qu’il y avait là un premier réduit défensif.

- l’autre, qui occupe le sommet de la colline est une vaste plate-forme représentant les 9/10èmes de la surface avec moins de 3% de pente. Deux ensembles de bâtiments s’y dessinent :

- l’un, autour du donjon,

- l’autre, à l’extrémité est de l’enceinte (logis).

D’une manière générale, on peut supposer qu’il subsiste sur le site de nombreux autres vestiges, que des fouilles révèleraient.

3 - L’état des lieux

En 1980, le château de Gavray était en train de sombrer dans l’oubli le plus total. Certes on connaissait son existence et les grands traits de son histoire, mais on finissait par en oublier le chemin, tant ce lieu était devenu impraticable.
Quand le débroussaillage du site fut entrepris, on avait depuis fort longtemps oublié l’emplacement et l’aspect des différents bâtiments.
Les descriptions en étaient fort confuses et les proportions avancées pour le moins fantaisistes, parfois. Par exemple, G. Renault dans l’annuaire de la Manche de 1857 : « ...élevé au-dessus de la rivière de 200 m environ » alors qu’en réalité 60 m.
Il était évident :

- qu’aucune recherche vraiment approfondie n’avait été menée sur ce site qui avait connu deux châteaux celui :

* des ducs de Normandie, que le roi ordonna de raser en 1378 à la suite de la reddition de la garnison Navarraise devant Bertrand Du Guesclin, destruction achevée en 1390 par les troupes de Thomas Graffart.
Le château fût-il simplement désarmé et seule la partie militaire fût-elle détruite ?
 * celui reconstruit de 1418 à 1444 par les Anglais et qui sera abandonné au milieu du XVIIème  
siècle et servira de carrière.

- qu’il fallait reprendre à zéro : mesures, plans, étude précise des vestiges, recherches d’archives.

Des recherches archéologiques furent alors entreprises pendant dix ans tous les mois de juillet sous la conduite de Jocelyne Leparmentier.

4 - La recherche archéologique et les fouilles

L’étude archéologique présentait de l’intérêt pour diverses raisons :

- le château de Gavray était important au Moyen Age.

- les châteaux normands n’ont que rarement fait l’objet d’une étude exhaustive, à ce titre elle constituait une contribution importante à l’histoire des fortifications militaires, à l’étude de leur évolution et de leur fonction.

- les sites médiévaux et modernes fouillés dans la Manche sont très peu nombreux. Cette recherche pouvait permettre de mieux connaitre les échanges commerciaux et humains. A titre d’exemple, les grès mis à jour proviennent essentiellement du Domfrontais et la monnaie de Conan II, duc de Bretagne mort en 1066, est l’une des très rares monnaies bretonnes de cette période mises au jour en Normandie etc….

enfin, le château a été abandonné au début du XVIIème siècle et a servi de carrière ce qui laisse le champ libre pour des recherches archéologiques

   

Trois zones paraissaient présenter un intérêt particulier :

- l’entrée du château, dont la forme n’est pas connue,

- le massif bâtiment carré, assis au point culminant de la colline et que tout désignait comme le donjon,

- un ensemble de constructions mal déterminées, à l’extrémité est de l’enceinte en contrebas du plateau central.

Ailleurs, les énormes conifères paraissaient avoir ravagé le sol trop en profondeur pour laisser quelques chances à une interprétation archéologique.

Le rapport de fouilles 1989 concluait, dans le chapitre « Perspectives d’avenir » de la manière suivante :
« La poursuite de la fouille archéologique doit être poursuivie dès l’année prochaine, dans la zone est, sans quoi les dégradations dues aux intempéries ou aux visiteurs indélicats risquent de nous faire perdre irrémédiablement de précieux indices.
Il importe donc de fouiller intégralement l’an prochain la zone en partie fouillée cette année, l’objectif étant d’étudier la succession des constructions et leur fonction.

Le tableau suivant résume la problématique de la fouille :

 

Fouille envisagée

Objectif

* Piece C :

étude du bâtiment antérieur.

* A l’extérieur, au nord de C et au nord-est de F :

traces éventuelles de ce bâtiment.

* Courette F :

extérieur des latrines, évacuation. En dessous, traces éventuelles d’occupation du bâtiment antérieur.

Schéma de la zone du logis

* Bâtiments A et B :

fonction, datation, occupation antérieure.

Ensuite, il conviendrait d’élargir la zone fouillée au sud des bâtiments A et B afin d’étudier le mur sud de ce bâtiment et voir sa relation avec le reste de la zone : construction isolée ou élément d’un ensemble ?

Aucune fouille n’a été entreprise depuis cette époque qui remonte à 25 ans.

Appendices :

a – L’essai de reconstitution

Essai de reconstitution réalisé par Rhoda CRONIN-ALLANIC
Archéologue – Illustratrice
Membre du Conseil d’administration de l’association
www.rhoda-allanic-illustration.fr

Cet essai représente le château tel qu’il devait exister avant sa destruction en 1378 par Bertrand Du Guesclin, puis  en 1390 par Thomas Graffart.
Il a été réalisé à partir des quelques documents disponibles, à l’aide de comparaison avec des constructions similaires de la même époque et du dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle de Viollet-le-Duc.
Si cet essai ne permet pas d’assurer sa totale authenticité, il constitue néanmoins un nouveau moyen de faciliter et d’améliorer la compréhension de ces vestiges et de militer à leur sauvegarde et à leur valorisation.

b - La description contestée de Charles François ONFROY de TRACY décédé en 1823

 
Gravure du château prise du sud, de la Lande Saint Luc.
in "Le château de Gavray et la châtellenie de Gavray" de Fernand VATIN - 1937 - Imprimerie Barbaroux

Charles-François Onfroy de Tracy, décédé en 1823, dans son ouvrage « Gavray et son château » publié en 1863 par Siméon Luce, décrivait ainsi le château :
« Au XIVème siècle, le site du château présente sa masse arrondie assez semblable à la proue d’un navire renversé.
La colline sur laquelle s’élèvent les fortifications mesure 47 mètres de large sur 126 mètres de longueur et représente une surface de 4 600 m2.
Au sud-est : à ses pieds et à ses flancs des maisonnettes de chaume l’enserrent, quelques jardins gravissent plus haut jusqu’à la Douve de l’ancienne forteresse (aujourd’hui : rue du moulin à tan). « Des Bains », situés sur la hauteur, on voit au-dessus des fortifications de l’enceinte, l’Abside de la chapelle et la masse d’un gigantesque Donjon et des tours voisines.
A l’ouest, en venant d’Avranches ou de Cérences, on aperçoit les restes d’une vaste tour semi-circulaire éventrée par le milieu dont le revêtement extérieur se distingue encore. En avant de la tour semi-circulaire, une plate-forme séparée des fortifications principales par une tranchée de 12 à 15 mètres de largeur, creusée dans le roc domine la seule voie d’accès au château.
A l’extrémité de la voie qui descend du château, on trouve deux tours dont la position est indiquée par les fouilles opérées pour enlever les pierres à leur base.
Cet endroit à conserver le nom de Pont-Gaché certainement à cause du premier pont-levis qui s’y trouvait, le second pont-levis devait être placé en avant de la plate-forme, le troisième reliait la grosse tour avec la plate-forme.
Une ancienne voie, probablement romaine, reliant Coutances à Avranches s’élève du Pont-Gaché vers la Lande Saint-Luc où elle côtoie, en atteignant le plateau, une forte levée de terre destinée à protéger de ce côté
les abords de la forteresse.
Au nord, au-dessous du Pont-Gaché, le même chemin descend vers le bourg, s’appuyant à droite sur la butte et soutenu à gauche par une muraille dont on aperçoit encore les vestiges.
La muraille et le chemin formaient la fausse-braye dont parle d’Uronville dans son récit du siège de 1378 dans son ouvrage « Vie du duc de Bourbon ».
L’entrée de cette fausse-braye était placée à l’angle du chemin de la lande et celui de la grosse pierre.
Au sud, côté Bérence, les murailles se détachent par leur couleur grisâtre.
Deux énormes masses de pierres lancées, dit-on, par l’explosion de la poudre en 1378, se sont arrêtées à une hauteur de 80 mètres.
Le château était défendu, au nord par les murs, un large fossé (douve), puis au pied de la colline une rivière assez large ; au sud, l’escarpement de la colline, la rivière coulant à ses pieds et des murailles aux gigantesques proportions mettaient les défenseurs à l’abri de toute attaque.
Une distance de 372 mètres séparait la grosse tour des fortifications du Pont-Gaché.

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