Association de Sauvegarde du

CHATEAU DE GAVRAY

LE DONJON

Les structures apparentes 

 

Les murs du donjon apparaissaient, avant les fouilles, comme de gros talus, couverts de végétation. Après avoir enlevé la couche d’herbe et de terre qui le recouvrait, il a été possible d’étudier la forme et la construction de ce bâtiment.

C’est une massive construction quadrangulaire de faibles dimensions intérieures 7m60 x 9m40, mais aux murs très épais 3m80.
Son mur sud jouxte le mur d’enceinte. L’espace intérieur est divisé en 2 parties égales séparées par un mur de refend, orienté nord-sud. L’épaisseur des murs laissent à penser que des retraits intérieurs marquaient la base de chaque niveau, ceux supérieurs étant ainsi plus spacieux. La base des murs ne présente ni trace de contrefort, ni trace de seuil. L’entrée actuelle n’est qu’une brèche, sans doute pratiquée pour faciliter la récupération des matériaux. L’entrée devait se trouver à un niveau supérieur.

La fouille 

L’observation de ces vestiges permettait de penser qu’il s’agissait du donjon du XIIème siècle, mentionné par Robert de Torigni dans ses chroniques (année 1123) (Editeur L. Delisle – Rouen 1872 -tome 1 pages 164/165) :

 

« Henricus rex (…) turrem fecit in Castello Cadomensi (…). Item castellum quod vocatur Archas turre et moenibus mirabiliter Firmavit. Sic etiam fecit castellum Gisorz, Falesiam, Argentomagum, Oximum, Danfrontem, Ambreras, castellum de Vira, Wavrei, turrem Vernonis similiter fecit ».

  Zone du donjon : structures apparentes après fouilles.

Les fouilles réalisées de 1982 à 1987, chaque année en juillet avec une équipe de bénévoles, permirent de penser qu’il s’agissait d’une construction massive tardive qui avait pris la place d’une grosse tour ronde, totalement détruite. Il s’agissait, en fait, d’un bâtiment anglais du milieu du XVème siècle. La fouille à l’intérieur du donjon permit de repérer des occupations antérieures à sa construction :

- une couche de cuisine du XIVème siècle,

- et, sous les fondations les résidus d’une couche d’occupation du XIème siècle.

L’occupation au XIème siècle 

Si la fouille n’a mis à jour aucun édifice aussi ancien, elle a permis de faire la preuve, cependant, d’une occupation dès la fin du XIème siècle. En effet, à l’intérieur du donjon sous une épaisse couche de remblai quasi stérile, a été mis au jour les résidus d’une couche riche en matériel, qu’il a été possible de dater.
Cette découverte est intervenue, dans l’angle sud-ouest du donjon, à près de 2 m en-dessous de la dernière couche d’occupation (couche de cuisine).  L’observation n’en a pas été facile vu la configuration des lieux : le mur sud du donjon, situé au-delà de la rupture de pente de l’éperon rocheux, va chercher une assise solide beaucoup plus profondément que les autres.

 

L’extrémité sud des deux pièces du donjon n’a, donc, pu recevoir d’occupation qu’après un comblement important, l’amenant au niveau de l’affleurement supérieur du rocher.
C’est en finissant de vider le remblai de l’extrémité sud de la pièce, dans une fosseétroite limitée par les murs du donjon et, au nord, par le rocher en pente abrupte, qu’a été mise au jour cette étroite couche noire, grasse, gorgée d’eau, elle n’occupait que la partie ouest de la fosse et disparaissait sous les  fondations des murs sud et ouest. Elle reposait sur le rocher.
Parmi le matériel recueilli on notait plus particulièrement :

- un jeton de tric-trac en os,

- deux boucles de ceinture,

- une bague,

- un fragment de tissu de 4 à 5 cm de côté légèrement arrondi aux angles et tissé en armure toile,

- deux monnaies particulièrement intéressantes :

- un des tous premiers deniers du Mans, fin XIème siècle. Il semble avoir peu circulé et aurait été détérioré par le feu.
- un denier de Conan II, duc de Bretagne mort en 1066. Très bien conservé, il aurait lui aussi, très peu circulé. Il est à noter que les découvertes de monnaies bretonnes de cette époque sont fort rares en Normandie.

Coupe de la couche du XIème siècle.
Jeton de tric-trac en os bague Dé en os Monnaie de Conan II

Leur découverte apporte une indication chronologique intéressante en attestant une occupation du site dans la moitié du XIème siècle. De plus, la nature même du matériel, notamment le jeton de tric-trac et la bague semble indiquer une occupation aristocratique ou militaire dès cette époque.

Cette couche, cependant, ne semble pas contemporaine d’aucun bâtiment connu. On peut simplement constater qu’elle est antérieure aux murs de la tour et du donjon sous lesquels elle se perd. Vu la configuration du rocher, elle ne peut se concevoir sans l’existence d’une palissade ou d’un mur d’enceinte. Il s’agit d’une observation capitale pour retracer l’histoire du site.

La cuisine

Les vestiges d’une cuisine ont été mis à jour, à l’intérieur du donjon, directement sur la couche de remblai. L’aménagement, fort rudimentaire, consistait en deux petits foyers d’argile et une fosse à déchets de dimensions médiocres. La découverte de cette d’occupation, à l’intérieur de la pièce ouest du donjon semblait indiquer la destination de cette pièce. Mais plusieurs observations permettent de penser que cette couche de cuisine est antérieure à l’occupation du donjon :

 

- la couche de terre noire, collante, riche en charbon de bois, en os et en tessons calcinés était épaisse d’une vingtaine de centimètres au centre de la pièce, mais quasi-inexistante en bordure des murs. Aucune trace n’en a été trouvée, sur le gravillon.

- cette couche, ainsi que le remblai qui la supportait, s’interrompait brusquement à 2 m du mur sud et à proximité de l’angle nord-ouest : ce sont des fosses creusées pour permettre la construction des murs en élévation du donjon.

- de l’autre côté du mur de refend, des traces d’une couche de même type, ont été découvertes, au même niveau, sur le gravillon.

Couche de cuisine (pièce ouest du donjon)

Enfin, une autre observation permet de placer la construction du mur de refend, après la couche de cuisine. Il s’agit de la suivante :
la couche de cuisine a été, à l’évidence, coupée pour permettre la construction du mur sud du donjon. Or, le mur de refend est visiblement appuyé, dans toute sa partie inférieure au mur sud.
Il lui est donc postérieur.

Une monnaie y a été mise au jour : il s’agit d’un blanc au châtel fleurdelisé de Jean le Bon (1356).
La céramique était grossière, essentiellement, à pâte blanche.
Les observations effectuées laissent à penser que cette couche d’occupation est antérieure à la construction dans laquelle elle se trouvait. En revanche, il est difficile de préciser sa place par rapport à la construction de la tour ronde. Eu égard à la monnaie trouvée, on peut raisonnablement dater cette cuisine de l’occupation navarraise, entre 1356 et 1378.

Une monnaie de Jean II le Bon, «blanc au châtel fleurdelisé» (1356).
avers revers

La technique de construction et les matériaux 

La technique de construction employée est, de toute évidence, celle du mortier par compression : les lits horizontaux, de 20 à 30 cm d’épaisseur, de petites pierres noyées dans un mortier de chaux, entre deux parements, sont clairement visibles.
Les matériaux employés pour l’édification des murs conservés ont une provenance presque exclusivement locale. Il s’agit de conglomérats, arkoses et grès feldspathiques de la base du Cambrien de teinte rouge violacé. Ces roches affleurent sous les bâtiments, en particulier sous le donjon et elles ont été exploitées dans des carrières ouvertes en contrebas même du château et à quelques centaines de mètres de celui-ci le long des chemins d’accès à la Lande Saint-Luc.

Cependant, la notice explicative de la nouvelle carte géologique au 1/5000e indique que la « Pierre de Mauny » (conglomérat Cambrien) exploitée près du Moulin de Mauny à HAMBYE aurait été employée pour la construction de l’Abbaye d’Hambye et pour l’édification du château de Gavray selon Messieurs Ozouf et Coutard, géologues.

Pour les chaînages d’angles du donjon carré, il a été fait appel à un autre faciès, un grès très légèrement ocré ou verdâtre parfois bien lité qui appartient également au Cambrien : série dite « Dalles de Campeaux supérieures », qui affleure plus en amont le long de la Bérence et a été également exploitée dans la partie aval de la vallée de l’Airou (le Valpin).
La base du parement extérieur du donjon était faite du même matériau.

Reconstitution possible du donjon de Gavray

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