Association de Sauvegarde du

CHATEAU DE GAVRAY

LE CHATEAU ROYAL

 

Philippe-Auguste


roi de France
1179 - 1223

 

Le 6 mars 1204, après la chute de Château-Gaillard et la fuite de Jean-Sans-Terre, Philippe-Auguste envahi, avec son allié Guy de Thouars, duc de Bretagne, la Normandie dont il s’empare rapidement.
Il modifie les divisions administratives de la Normandie et réorganise, en particulier le baillage du Cotentin. A partir de 1204, le bailli du Cotentin s’étend à presque tout le diocèse de Coutances qui renfermait jusqu’alors les baillies du Cotentin, Coutances, Gavray et Cérences. Gavray passe sous l’autorité directe du bailli du Cotentin dont Philippe-Auguste confie le poste à Renaud de Cornillon. Celui-ci occupait jusqu’alors un poste important dans l’administration française. (1) A sa mort, en 1215, Mile de Levis lui succède. A noter que ces deux personnages ne sont pas originaires de la Normandie.

En 1218, Hugue de Botegniaco ou de Boutigny est châtelain de Gavray. Deux actes nous le confirment :

 

- le premier, de juillet 1218 fait à Evreux, par lequel Philippe-Auguste permet à son châtelain de Gavray de donner en dot à sa fille la terre de Belval qui lui avait été assignée pour 28 livres de revenu en terres :

« Nos dilecto et fideli nostro Hugoni de Botegniaco, castellano nostro Gavraii,concedimus… ». (2)

Cartulaire du      Mont Saint-Michel

- le second, de novembre 1219, nous apprend que Hugue de Boutigny, châtelain de Gavray, assiste à l’assise de Coutances le 23 novembre 1219 en compagnie de Mile de Levis, bailli du Cotentin. (3)

Le lien entre le châtelain de Gavray et la terre de Belval est clairement exprimé dans le registre des fiefs de Philippe-Auguste. En 1210, le châtelain de Gavray tient du fief du roi le fief de Belval qui doit le service d’un chevalier (4) :

« Castellanus de Gaure tenet inde de dono domini Regis foedum de Beleval quod excidit domino Regi quod debet servicium unius militis ».

Reste que le roi se réserve Regnéville qui faisait partie dudit fief :

« Cujus feodi est Renervilla quod dominus Rex adhuc tenet in manu suo. »

Le changement d’autorité ne parait pas avoir apporté de modifications importantes à l’organisation du château. De château ducal, il devient château royal et figure comme tel dans le cartulaire normand pour la Basse-Normandie en 1210 (5) :

«  Hic sunt castelle et forteritie que Philippus Rex Francie tenet : Cesariburgus, Barbefluvius, Wavreium, Karentan, Castrum Vire, Falesia, Cadomum, Eximum, Bonavilla super Tosquam… »

La garde du château reste assurée par les tenants des mêmes fiefs que sous les ducs de Normandie. (6)

Un texte de 1220, nous apprend que Philippe, second fils de Philippe-Auguste, a reçu en apanage des biens dans la baillie du Cotentin. Il fait un hommage lige à son père pour ses biens de la baillie du Cotentin, tenue par Mile de Levis :

 

« Ego, Philippus …. notum facio …. me fecisse homagium ligium …. de terra et redditibus ac proventibus ballivie quam Milo de Levies tenet ».

Toutefois, le roi garde à sa main, après Regnéville, les forteresses de Gavray et Mortain :

Philippe Hurepel de Clermont  

« … ita quod rex retinet in manu sus fortericias Gavraii et Moritolii     tenendas ad custum suum… ». (7)

Pourquoi Mortain figure dans cet hommage lige qui concerne le bailli du Cotentin ? Ce rapprochement est peut-être dû au fait que Philippe tenait aussi à cette époque le comté de Mortain, et que l’on a voulu insister sur l’exclusion des deux places-fortes.

La Normandie jouit de plus d’un siècle de tranquillité (jusqu’en 1328). La prospérité reparait sous les règnes de Louis IX, Saint-Louis, et de Philippe le Bel, les rois anglais regrettent la perte « d’un si gras pays ».

Gavray obtient de Philippe Auguste le droit de commune avec les franchises municipales en découlant en même temps que Saint-Lô, Avranches, Valognes et Cherbourg. L’importance du château-fort de Gavray lui mérita sans doute cette faveur exceptionnelle, beaucoup plus que l’importance du bourg. Les habitants avaient désormais la faculté de répartir les impôts, de procéder à l’étalonnage de leur poids et mesure, d’avoir une barrière municipale, de porter les armes, de choisir les chefs de leur milice ….

Aucune source ne mentionne Gavray jusqu’au début du XIVème siècle, à l’exception d’une ordonnance de Philippe-le-Bel du 15 août 1290 : 

« portant qu’il ne subsistera de commandants appointés que dans les forts et châteaux qui y sont nommés ». En Normandie, ne figurent que les châteaux d’Arques, Caen, Bonneville-sur-Touques, Cherbourg et Gavray. (8) Ce faisant, Gavray semble placé parmi les châteaux importants de la région

 

Pendant la minorité de Louis IX, petit-fils de Philippe Auguste, Foulques Paisnel, seigneur de la Haye, se mit d’accord avec un certain nombre de Bannerets du bocage et fit des avances au roi d’Angleterre.
En 1228, ce dernier, Henri III, d’intelligence avec le duc de Bretagne, débarqua à Saint Malo et s’avança vers la frontière du Bocage où il fut reçu par Foulques Paisnel et les autres conjurés. Ensemble, ils prirent Saint-James et Pontorson et se dirigèrent vers la Haye Pesnel. La reine de France, Blanche de Castille, envoya une armée qui prit plusieurs places fortes dont Gavray. Foulques ne put sauver son château de la Haye Pesnel qui fût rasé

       Blanche de Castille
      épouse de Louis VIII
      régente du royaume
           de 1226 à 1235

En 1256, Louis IX, Saint Louis, passa par Gavray au cours de son voyage en Basse Normandie. La tradition veut que se rattache à ce voyage, le nom donné à la partie du château jadis occupé par la chapelle Saint-Michel.
En 1307 et 1310, Philippe le Bel est également passé à Gavray pour y signer trois chartes. (9)

Il existait à cette époque une famille portant le nom de Gavray, descendants des anciens seigneurs de l’endroit. Dans la liste des donateurs de l’Hôpital Hospice de Saint-Lô, on relève le nom de Jean de Gavray. En 1269, cinquante ans plus tard, ses descendants Philippe et Jean de Gavray consentirent la fondation d’une rente en faveur de l’Abbaye de Barberia (ou Barbery), de l’ordre de Citeaux fondé en 1170 au diocèse de Bayeux. En 1307, dans l’état des templiers de Breteville, on relève une rente due par Yon de Gavray.

A partir de 1321, le château sort de l’ombre. Les comptes royaux des années 1321 et 1324 font état de réparations et de travaux d’entretien sur des bâtiments désignés qui permettent d’évoquer l’intérieur de l’enceinte. (10)

Les comptes de 1321 consistent principalement en travaux de réfection de charpentes, couvertures, gouttières, planchers etc… le tout pour la somme de 118 Livres, 13 sols et 6 deniers. Sont mentionnés :

- la chapele,

- une des tourelles leiz la chapele,

- la maison d’après la chapele appuyée au mur d’enceinte,

- la maison dessus le puiz,

- la maison au portier,

- la grant salle et, plus loin, la grant salle au châtelain,

- la chambre au châtelain et plusieurs autres chambres (sur la grant salle),

- une garderobe près de la grant salle.

Les comptes de 1324 font état de travaux divers moins importants pour la somme de 23 Livres, 4 sols et 6 deniers. Ils concernent :

- la chambre sur les murs devers la ville,

- le degrey de la chambre de la garnison,

- les cordes à lever le pont…….

Pour le jonc de la chapele : 3 s.
Pour appareiller la premiere porte du chastel : 12 s.
Pour faire un anel de fer et la porteure en la porte : 3 s.
Pour curer les goutieres et appareiller le palis du chastel : 8 s.
Pour une serreure :18 s.
Pour couvrir de 2 milliers d'escende, pour clou et late pour tout : 60 s.
Item, sur le mur de la grant sale pour les lermiers et goutieres apareillier pour 1 post et 1 travers a une des tourelles leiz la chapele, pour roullier et plancher  les chambres aesiees en la grant sale, pour 3 royls en la garderobe d'apres et replancher, par un bout et couvrir sur la maison dessus le puiz, pour une goutiere sur la maison au portier, pour la maison d'aprez la chapele refaire de 36 piez de travers sur les murs dudit chastel, une sabliere de 6o piez et le lonc par devers la chapele de 50 piez a un fest et environ 30 couples de chevrons et recouvrir le coste et la maisson et haucher le mur de ladite chapele 7 piez, et celuy devers les murs 2 piez, pour asseer une piece de plen apres la grant sale au chastelain, item sur ladite sale 3 chevrons et recouvrir et lambroisser pour couvrir le coste de la chambre au chastelain et la premiere porte couvrir a tasche, pour 12 milliers d’escende pour pourpoindre en  plusieurs liex en chastel, pour toutes ces choses faire en tasche, a Ricart Robin et Guillot le Camus : 108 l.
Pour 36 milliers de clou a pourpoindre les 12 milliers d'escende dessus dite, pour le millier : s. 6 d., valent : 6 l : 6 s.
Somme : 118 l : 13 d. dont l'en compte a present la moitie.

On y trouve également quelques menus achats comme une corde pour le saint de la capele ou un seel tout neuf et ferre de nuef en la cisterne. Il n’est pas question dans ces comptes d’ouvrages militaires mais simplement d’aménager et d’entretenir des logements.
Ces textes permettent d’entrevoir un groupe de bâtiments près du mur d’enceinte, autour de la chapelle. Cependant, les recherches archéologiques n’ont pas permis de localiser les différents bâtiments.

 

En 1325, Messieurs Prévost et Roman d’Amat (9) signale la présence de Blanche de Bourgogne au château de Gavray à la suite du scandale d’état de la Tour de Nesle. G. Renault (12) avait noté également ce fait et C. De Gerville (13) indiquait la même référence, mais pas la même année.
Les journaux du trésor de Charles IV le Bel (14) permettent de reconstituer le séjour de Blanche à Château-Gaillard de mai 1322 à octobre 1324.

Blanche de Bourgogne
reine de France et reine
consort de Navarre du
3 janvier au 19 mai 1322

En 1327, l’Etat des fiefs de l’Election de Coutances, dressé par Godefroy le Blond, dresse l’état des assujettissements à la garde du château de Gavray :

- Guillaume de Montaigu, devait dix jours de garde à la seconde porte du château, en contre partie certains droits d’usage lui étaient concédés dans la forêt de Gavray,

- Robert de Ver, devait fournir dix boisseaux de froment en échange d’un ancien service au château, il avait droit à la glandée pour ses porcs et à un hêtre de rente à Noël,

- Robert le Forestier, pour un fief valant 140 livres de revenus, avait droit à certains usages dans la forêt,

- Guillaume de Thieuville, tenancier du fief de Mesnil Garnier, avait droit à un chêne dans la forêt, au panage de ses porcs, mais devait 20 livres à deux échéances pour le fief de Mansel et dix jours de garde à une porte du château en temps de guerre,

- Le Prieur et le couvent de la Bloutière, redevable de diverses rentes donnant pour leurs porcs à la forêt, au château de Gavray, moyennant que les gens de Belval étaient quittes de tous droits

- Guillaume de Chanteloup, devait pour son fief du Tourneur, un homme armé au couchant et au levant du château,

- Jean Louvel, écuyer pour un fief de Ver devait un homme d’armes,

- Guillaume de Moustiers, devait pour son fief de Belval, 20 sous tournois au château de Gavray moyennant quoi les gens de Belval étaient quittes de tous droits dans les foires et marchés de la châtellenie et exempts de péages.

Etaient également cités :
Thomas de la Bellieres, Guillaume Huet, Guillaume le Champion, Philippe de Saint Denis, Nicolas Baudre, Foulques de Sainte Marie, Richard de Foligny, Foulques de Beauchamps, Jehan Paenel, Richard Carbonnel, Olivier Paenel (sire de Moyon et Tessy), Jehan de Marchambye, Guillaume de Pirou, Richard de Courcy (sire de Marigny), Foulques Paenel (sire d’Hambye), Jehan Tesson, Guillaume Corbet, Geoffroy de la Lande, Raoul de Saucey (sire de Gratot), Guillaume de Creuly, Fralin de Malesmains, Jehan de Méautis, Guillaume de l’Isle, Jehan d’Agneaux, Robert le Maine (sire de Sourdeval), Geoffroy de Mesnildrey, Guillaume de Camprond (sire du Lorey)…………

La rareté des textes concernant Gavray entre 1220 et 1320 n’a pas permis de répondre à ces interrogations :

- a-t-on amélioré la défense ?

- construit un nouveau donjon ?

- restructuré l’ensemble ?

L’archéologie, pour sa part, n’a pas apporté de réponse suffisamment précise.


Notes et références :
(1) L. Delisle : « Grands baillis…. », p.65 à 70
(2) « Cartulaire normand » publié par L. Delisle, bull.soc.ant. Norm., t. XVI, Caen 1952
(3) « Cartulaire du Mont-Saint-Michel, 1 ; cité par L. Delisle, « Grands Baillis »
(4) « Registre des fiefs de Philippe-Auguste », manuscrit de Rosny, Mém.Soc.Ant.Norm., XV, p.168
(5) « Cartulaire normand », 1, n°209
(6) Cf. note 42 :« Radulfus de Tevilla, Guillelmus de Ver, Agnes de Valence et Guillelmus de Monte Acuto debent servicium trium militim et dimidii ad custodiam Gaure ».
et, ibidem, p.170 : « Radulfus de Tieville tenet feodum unius militis apud Mesnil Garnier et quartam partem unius                    militis apud Mesnil Hugon ad servicium Gauraii …. Guillelmus de Ver tenet feodum unius militis apud Valence ad servicium Gauraii. Guillelmus de Monte Acuto tenet quartam partem unius feodi apud Montem Acutum ad servitium Gauraii ».
(7) « Cartulaire normand », n°1121
(8) « Ordonnances des rois de France, trésor des chartes, P.366
(9) « Inventaires et documents » - Registres du trésor des chartes, t. I (Philippe le Bel)
(10) « Comptes royaux I, documents financiers », Recueil des historiens de France, Académie des inscriptions et belles lettres, p.217 et 400/401.
(11) « Dictionnaire de biographie française de Prevost et Roman d’Amat, t.VI, Paris 1954
(12) G. Renault, « Annuaire de la Manche ».
(13) C. De Gerville : « Anciens châteaux … », indique la date de 1322.
(14) Journaux du trésor de Charles IV le Bel, publiés par J. Viard, Paris, MDCCCCXVII (collection des documents inédits de l’histoire de France).

 

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